L'entraîneur de Christophe Lemaître, Thierry Tribondeau, lève le voile sur son métier

Le parcours exceptionnel de Christophe Lemaître est directement lié au travail de son staf. Thierry Tribondeau, et surtout Pierre Carraz, constituent le coeur du dispositif qui entoure l'athlète français. Point d'étape juste avant les Championnats de France Élite qui se déroulent à Saint-Etienne du 26 au 28 juillet.

 

Entraîneur de Christophe Lemaître, ça consiste en quoi exactement ?

C'est un dispositif professionnel autour de Christophe, ce n'est pas que tenir le chrono et être sur les pistes. Il faut coordonner la structure, les kinés, le docteur, le nutritionniste, toute l'équipe qui l'entoure. 

Il faut également planifier les entraînements, les suivre au quotidien, manager les agents, les sponsors, les médias, faire le lien avec la fédération, les directeurs techniques nationaux. C'est aussi gérer financièrement la structure, car je suis le seul entraîneur professionnel d'athlétisme indépendant en France.

Il y a une petite dizaine d'entraîneurs professionnels, mais ils sont tous rattachés à des clubs, leur club d'attache le plus souvent. Même si, tout en étant complètement indépendant, je suis resté dans mon club de cœur, l'Athlétique Sport Aixois. 

Pouvez-vous avoir une activité annexe où y consacrez-vous tout votre temps ?

Ma mission première c'est la préparation de Christophe, mais c'est une mission de très haut niveau. Cela occupe une grosse partie de mon temps, je dirais entre 70 et 80 %. Mais ma préoccupation pour Christophe est 24 heures sur 24, le très haut niveau c'est de l'obsession. On n'est pas que sur le terrain, on est en dehors, dans les agendas, les transports, la stratégie.  

Mais j'ai aussi une mission auprès de la fédération française d'athlétisme. C'est une mission de préparation avec Dimitri Demonière sur le 4 x 100 m.

J'ai également une mission auprès de la ligue, dans l'encadrement technique régional et pour l'encadrement des formations diplômantes.

Je suis aussi, par ailleurs, responsable d'entraînement du centre national d'entraînement d'athlétisme d'Aix Les Bains

Combien de personnes suivent Christophe LEMAITRE dans sa préparation ?

Le cœur du dispositif est Pierre Carraz, qui a été mon entraîneur, qui est à l'origine de l'explosion de Christophe, avec qui je travaille depuis 41 ans, c'est mon deuxième papa. Avec lui, nous sommes complémentaires, parfois dans la confrontation, des points de vue, pour avancer, trouver les meilleures idées.

Il y a aussi trois kinés (un plutôt kiné pur, un ostéo, et un sur la partie étirement des chaînes musculaires). C'est aussi pour diversifier les interlocuteurs, il a déjà deux entraîneurs sur le dos toute l'année, notre obsession c'est qu'il ne tombe pas dans la lassitude. Christophe est dans le plus haut niveau depuis 10 ans mine de rien.

Les entraînements sont tous les jours, et le métier premier d'un entraîneur c'est de s'adapter et continuer à donner le meilleur pour lui permettre de faire des performances.

Il a aussi un médecin local, un podologue, un psychologue, un nutritionniste, deux agents managers et l'interlocuteur Asics, le premier équipementier de Christophe.

Pour tous ces professionnels, les contacts sont plus ou moins rapprochés. Mais on est dans une période où on est tous les jours en contact. 

Quelle est la qualité première de Christophe Lemaître ?

Il en a plusieurs, mais il a un très fort mental, et des qualités biomécaniques et physiologiques qui le prédisposent au sprint.

Son côté humble, avec le trend de veiller à ne pas tomber dans le piège des étoiles qui brillent trop fort, ça lui a permis de rester au plus haut niveau. 

Christophe est connu dans le monde entier, 30 % de la population française non sportive le connaît. C'est un des rares athlètes français à gagner beaucoup d'argent. Il va dans des hôtels de standing, il est dans des représentations, certains ont vite fait de croire qu'ils sont arrivés. Notre rôle est de l'aider à bien garder les pieds sur la terre ferme. 

Christophe a un parcours atypique, a commencé très tard, pensez-vous que c'est un frein dans son évolution ?

C'est particulier à chaque personne, Chabal a commencé à 18 ans le rugby et a fait une grande carrière internationale.

Dans le haut niveau, ce ne sont que des cas particuliers. Christophe a démarré dans un milieu favorable, dans un club reconnu en France, avec une infrastructure qui a permis la détection, et le démarrage de carrière sans lui brûler les ailes. Puis il y a eu plusieurs étapes bien distinctes. 

La première étape jusqu'à Londres, Barcelone et Doha

La deuxième c'est la préparation jusqu'à Rio, où ce fut la confirmation du très haut niveau.

Et la troisième phase, c'est d'aller jusqu'à Tokyo pour la consécration. 

Le tout est de bien rester concentré sur la gestion de carrière. Quand on n’a pas été brûlé par trop de sollicitations, d'entraînements, et on y a veillé, on est toujours sur ces objectifs.

Pourriez-vous nous dire quel est l’objectif sportif de la saison (les championnats du monde se dérouleront à l’automne Doha)

C'est clair, si on veut être sur le podium il faudra faire 20 secondes et moins. Doha c'est un tremplin, notre objectif est Tokyo, aller aux JO, sur la boîte. 

Sur quelle épreuve il s’alignera aux championnats du monde ?

D'abord au moins le 200 m on verra, le 4x100 m également, et si ça veut rigoler sur 100 m on verra bien, la qualité d'un entraîneur c'est d'être capable de s'adapter.

Ça sera en fonction de la forme de Christophe, la préparation évolue au fur et à mesure, si on voit que ça doit changer, on se penchera sérieusement sur les 100 m, mais on n'est pas concentré que sur ça. De toute façon, il faudra faire les minimas.

Faire des plans au millimètre au quotidien sur x mois avec des entraînements journaliers, à moins d'être un être exceptionnel, ça ne marche jamais comme on veut, il y a toujours des impondérables à gérer. Des petits pépins, des coups de fatigue, la météo, le planning, les transports. 

Débuter la saison hivernale à Mondeville est un choix que vous faites depuis longtemps. Pouvez-vous nous expliquer ?

Il n'y a jamais de hasard ni d'obligation. Si on va à Mondeville, c'est une histoire d'hommes, on a des relations particulières avec Mondeville. On est Savoyards, on est peut-être un petit peu rude, mais on sait reconnaître la valeur des choses. Et on a de la mémoire, alors quand on peut, on fait Mondeville. Et on est toujours bien accueilli, le public est adorable. 

Pouvez-vous nous faire partager un de vos plus beaux souvenirs d’entraîneur

Rio, c'est un événement énorme, pour tous, Christophe, le département, la région, la France. C'est surtout les retours des gens qui ont été incroyables, ils nous ont fait savoir le plaisir qu'ils ont eu de voir Christophe devenir un des meilleurs du monde, on avait une ligne de conduite de préparation, on s'y est tenu, et ça nous a fait dire qu'on était dans le vrai dans sa préparation.

Ça a été une grande satisfaction dans notre travail d'entraîneur, le travail, la persévérance, la simplicité paient toujours.

Après l'autre point, c'est qu'on a été sollicité pour des rencontres, des débats. Cela nous a permis de dire qu'on pouvait faire du haut niveau en étant humble et sain. Dans le haut niveau on voit de tout, l'image de Christophe dans le monde c'est la simplicité, et dans le sport de haut niveau, c'est plutôt rare.

C'est un message important qu'on veut faire passer auprès des jeunes. Dire qu'on n'est pas obligé d'être chargé pour réussir et faire des performances.  

Votre objectif pour les deux prochaines années ?

On a eu les années 2017 et 2018 où il fallait passer entre les gouttes, on ne peut pas demander à un athlète d'être toujours au haut niveau, on voulait voir ce qui se passait sur ces deux années.

Là, on est dans la dernière ligne droite avant d'aller à Tokyo, on veut aller sur la boîte. Ensuite, il y a les championnats d'Europe à Paris. 

Puis dans la foulée des Jeux olympiques, on verra en 2021 et 2022 pour les championnats du monde aux États-Unis. 

Pour l'instant Christophe n'est pas cramé, le jour où il sera fatigué, du corps et de la tête, notre mission sera de le dire ! Mais pour l'instant, cap sur Doha et sur Tokyo. 

Ce texte a été rédigé par Redacwebdecaen. 

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