Timothée Adolphe : champion malgré tout !

Un habitué de nos meetings de Mondeville et Hérouville, nous avons eu le plaisir d'interviewer Timothée Adolphe à la suite de son sacre mondial sur le 400m en catégorie T11 à Dubaï. Retour sur le parcours incroyable du guépard blanc.

 

Après tant d’années et de désillusions, cette médaille doit avoir une saveur particulière ?

 

C’était une émotion forte, parce qu'enfin c’est un championnat qui s’est déroulé sans accrocs sur le plan personnel. C’est aussi l’aboutissement d’un travail, même si on n’est pas au bout étant donné les jeux dans 10 mois où il faut vite se reconcentrer et ne pas tomber dans l’euphorie. Il faut tout de même bien apprécier cette médaille.

Être champion du monde, je l’avoue, on a encore du mal à le réaliser ! Aujourd’hui, je sais qu’on a gagné une course hyper importante, mais on ne mesure pas encore la totalité de ce que ça représente.

 

Comment trouvez-vous les ressources après les disqualifications à Rio, Londres et Berlin. Comment rebondir ?

 

Rio et Londres, c’était très dur, parce que ce sont des grosses échéances. J’avais vraiment à cœur de rebondir et j’avais les jambes pour le faire à Londres. On a eu un peu de malchance, mais ce sont aussi les couacs d’une nouvelle équipe. Le guidage, c’est tellement fin et technique que la moindre erreur est payée cash, comme on l’a vu. Là j’ai retrouvé l’énergie de rebondir.

Berlin fût nettement plus difficile pour moi, alors que c’était une échéance “un peu moins importante” (championnat d’Europe à côté des championnats du monde et jeux olympiques). Ce championnat, nous l’avions abordé dans l’idée d’avoir plus de marge, avec l’objectif de venir avec ce qu’on s’est fixé et sans faire d’erreurs. Mais même en étant hyper concentré, en ayant bien assimilé tous les points de règlement, on se prend une autre disqualification malgré la bonne course qu’on fait.

Dans le passé, on assumait nos erreurs. Là, le problème du dossard, certes on a notre part de responsabilités, mais le règlement stipule que c’est au juge de s’assurer que les athlètes sont en tenues réglementaires. Je l’ai donc vraiment vécu comme une injustice parce que j’ai assumé toutes mes fautes dans le passé, et là il n’y avait rien de fait en faveur de l’athlète !

 

Avez-vous songé parfois à arrêter/abandonner ?

 

J’avoue que rebondir et rebondir et rebondir encore… Au bout d’un moment c’est épuisant. D’habitude, après un championnat, j’appelle mon coach au bout de 15 jours en demandant quand est-ce qu’on reprend. Là, au bout de 2 mois, j’ai repris parce qu’il fallait reprendre, mais sans cette petite étincelle de passion que j’avais auparavant. C’est revenu au fil des mois mais c’était très compliqué après Berlin. Je me suis même posé la question de savoir si je continuais ou pas, et est-ce que je suis fait pour ça… Je ne savais pas trop. Ça m’aura traversé l’esprit mais j’ai fait le choix de continuer.

 

La victoire sur 400m est-elle un soulagement ou plutôt un nouveau départ suivi de beaucoup de succès à venir ?

 

Il y a d’un côté un soulagement, celui de pouvoir repartir pleins de sérénité à 10 mois des jeux et au moins jusqu’à Paris 2024. Mais c’est clair que l’on espère que ces championnats vont être une rampe de lancement pour les autres.

 

Quelle est votre relation avec vos guides quand vous n’êtes pas sur les pistes ?

 

Avec les guides, on a presque une relation fraternelle. Ça va au-delà de l’amicale, dans le sens où il faut vraiment qu’on se connaisse bien, qu’on sache comment l’un et l’autre va réagir sur pas mal de situations. Il faut qu’il y ait une grosse complicité mais aussi une bonne communication. Par exemple, quand on arrive à l'entraînement, d’habitude un partenaire d’entrainement tu ne vas pas lui demander est-ce qu’il a bien dormi, est-ce qu’il est en forme… ça peut paraître comme des questions anodines, mais elles ont en fait toutes leurs importances dans le sens où si moi je suis au top de ma forme mais que le guide n’a pas eu suffisamment de sommeil (récupération optimale) pour telle ou telle raison, je peux éventuellement me blesser, ou vice versa. Ce genre de déséquilibre peut donc se créer et éventuellement mener à une blessure.

C’est donc très fin de travailler avec le guide, sur la piste et en dehors, et il faut que ça soit des gens vraiment portés sur l’humain, et il y a une certaine forme de générosité aussi de faire don de soi, d’être dans le partage, ce qui n’est pas forcément évident dans un milieu comme l’athlétisme qui reste malgré tout très individualiste, parce que l’on est très centré sur soi-même, et le guidage va justement à l’opposé de cela. C’est donc une relation très particulière qui est également très riche d’enseignement.

 

Quel est votre objectif pour les jeux olympiques de Tokyo 2020 ?

 

Avec ce que l’on a fait à Dubaï, on n’a pas d’autres objectifs que d’aller chercher le titre sur 100m et 400m. On a déjà identifié les petites choses à améliorer pour cette fois-ci chercher l’or au 100m. À Dubaï, on prend une médaille d’argent derrière un gars qui n’a pas fait le 400m. Sans pour autant dire qu’on aurait pu prendre l’or en ne faisant que le 100m car Prado était vraiment plus fort que nous à Dubaï, et que l’on a été un peu brouillon sur la finale. Mais en s’améliorant sur ces petits points on va justement essayer de le battre l’année prochaine, avec comme objectif le podium mais surtout le titre.

 

Nous avons eu le plaisir de vous avoir pour nos meetings. Gardez-vous de bons souvenirs des meetings d’Hérouville et Mondeville ?

 

Je garde toujours des supers souvenirs de ces meetings. Il y a du public, il y a une super ambiance, il y a un super accueil des organisateurs. Et comme je l’ai déjà fait savoir dans le passé, l’épreuve qui nous est réservée n’est pas mise en marge du programme, au tout début ou à la fin quand il ne reste plus personne. L’épreuve est vraiment au cœur du meeting et ça nous permet aussi de vraiment profiter de la fête.

 

Pensez-vous qu’on peut compter sur votre présence pour le meeting de Mondeville le 1er Février 2020 ?

 

On n’a pas encore approché la saison 2020 avec mon coach, mais à priori, ça devrait être bon. En tout cas ça serait vraiment un plaisir d’être présent, donc il y a de grandes chances qu’on y soit.