Dans les coulisses de l'événement

À l'occasion de cette date symbolique à laquelle devait se tenir la 16e édition du Meeting d'Hérouville, nous vous proposons de découvrir l'événement de l'intérieur avec les organisateurs : Christophe Lemarié (président) et Florian Rothenmacher (responsable du plateau).

La 16e édition du Meeting d’Hérouville aurait dû se tenir ce jeudi 11 juin, comment vivez-vous cette journée particulière ?

 

Christophe Lemarié : Cela m’a fait bizarre de me lever ce matin en me disant qu’il n’allait rien se passer de particulier ce jeudi 11 juin. Cela fait 16 ans que l’on travaille énormément lors de cette dernière semaine pour organiser un événement qui dure 2h30. On accumule toute la pression avec les derniers réglages lors de cette dernière journée. Cette année, je vois passer toutes les heures comme un compte à rebours jusqu’à 19h. C’est très frustrant de se dire que cet événement qui nous tient tant à coeur n’aura pas lieu cette année. 

 

Florian Rothenmacher : En temps normal c’est une journée où l’excitation et l’adrénaline permettent de prendre le pas sur la pression et la fatigue que l’on accumule. Je pense que c’est aussi ce que l’on recherche lorsque l’on organise un événement comme celui-ci. Une année sans meeting à Hérouville c’est particulier. 

 

À quoi ressemble votre journée en amont du meeting ?

 

CL : J’arrive au stade dès 8h30 pour m’assurer que toutes les équipes de bénévoles sont présentes. Il faut faire un bon briefing avec l’ensemble des commissions de façon à ce que les gestes soient précis et efficaces. Les équipes réalisent les derniers réglages. Généralement nous faisons un point d’étape avec Florian lors d’un déjeuner pour évoquer les petits soucis à régler. L’après-midi est dédiée aux derniers réglages techniques : répétition avec les speakers, test de la sonorisation et de l’animation. Les prestataires arrivent à tour de rôle : décoration florale, traiteur, télévision. On sent vraiment monter cette pression car l’événement débute dans 2 ou 3 heures. C’est aussi l’heure où les premiers athlètes arrivent au stade.

 

FR : Le déjeuner illustre bien ce moment où l’on se retrouve avec Christophe pour faire le point car nous sommes rarement au même endroit au même moment. Le matin je suis à l'hôtel pour gérer les différentes sollicitations des athlètes. Mon rôle d'organisateur du plateau me demande beaucoup de travail en amont du meeting et en principe tout doit être prêt le jour J. Il faut toujours gérer les petits soucis de dernière minute, communiquer les horaires des navettes et gérer les repas. Je suis déjà dans la préparation du planning pour le départ des athlètes le lendemain et la gestion du panier-repas. C’est une logique d’anticipation, je dois me projeter sur l’après-meeting alors qu’il n’a pas encore eu lieu. 

 

Quel est votre rôle à partir de 19h lorsque le meeting débute ?

 

CL : Je me trouve près de la tribune pour m’assurer que le top départ est donné à l’heure prévue dans le programme. Ensuite, je passe en mode représentation et je m’occupe de l’accueil des partenaires publics et privés qui financent notre meeting. C’est une partie que le grand public ne voit pas mais qui est indispensable. Mon objectif est de créer du lien entre les chefs d’entreprise, de faire en sorte que chacun se sente bien au meeting. Il faut que cette soirée soit agréable tant au niveau du spectacle sportif que des échanges entre les invités. C’est assez paradoxal car l’organisation de l’événement me prend beaucoup de temps et le jour du meeting je ne vois pas grand-chose !

 

FR : C’est drôle car nous avons des rôles très décalés. J’accompagne les athlètes jusqu’au stade et je règle les problèmes de dernière minute comme les allures des lièvres pour les courses de demi-fond. Pendant le meeting, je suis sur le terrain d’échauffement pour répondre aux questions des athlètes, les rassurer, et faire en sorte que tout se passe comme prévu. J’ai la chance de pouvoir assister à une partie du meeting. Mon rôle est aussi de mettre en place des choses sympas avec les speakers pour valoriser les athlètes et favoriser la proximité avec le public. 

 

Quels sont vos meilleurs souvenirs de ces dernières éditions ?

 

FR : Je me souviens d’une édition où Kim Collins (Saint-Kitts-et-Nevis, champion du monde sur 100 m) avait parcouru 70 ou 80 mètres car il n’avait pas entendu le rappel du starter. Il est retourné sur la ligne de départ avec le sourire et a remporté la course quelques minutes plus tard. C’est un athlète qui m’a marqué car malgré son statut c’est quelqu’un de très humble, il a beaucoup d’humour. Avec Félix Sanchez à Mondeville (République dominicaine, double champion olympique sur 400 m haies), Kim Collins et Dwain Chambers (Royaume-Uni, champion d’Europe sur 100 m) sont les athlètes qui m’ont marqué. Dwain Chambers est un athlète qui a commis des erreurs dans sa carrière, il en a payé le prix, et aujourd’hui il tient un discours très intéressant par rapport aux valeurs et à la vie en général. 

 

CL : J’ai été marqué par le record de Romain Mesnil au saut à la perche (5,81 m en 2009). Le stade était acquis à sa cause. Il sortait d’une période délicate où il avait perdu ses sponsors. Il avait couru nu dans les rues de Paris pour sensibiliser les partenaires à la précarité à laquelle beaucoup d’athlètes doivent faire face. Lors de son saut à 5,81 m, la barre est tombée quelques secondes après sa réception sur le tapis mais le jury a validé le saut car il y avait un fort vent ce jour-là. Ce record n’a jamais été battu, c’est une marque impressionnante pour un meeting comme le nôtre. Il s’agit du minima de qualification pour tous les grands championnats. 

 

Quelle épreuve du meeting d’Hérouville affectionnez-vous le plus ?

 

FR : J’ai beaucoup de mal à choisir entre le 100 m / 110 m haies et le 3 000 m steeple. Je suis toujours impressionné par la vitesse à laquelle les athlètes franchissent l’obstacle. Depuis plusieurs années, ces épreuves sont incontournables au Meeting d’Hérouville, elles offrent toujours un beau spectacle.  

 

CL : Je suis très attaché aux épreuves handisports que nous avons mises en place ces dernières années. Je trouve que qu’elles prennent tout leur sens. C’est un moment incroyable car le public comprend que les athlètes qui sont devant eux sont de vrais sportifs de haut niveau avec une résilience remarquable. Il se passe quelque chose dans le stade, le public se met à applaudir, c’est un très beau moment. J’ai un grand respect pour les athlètes handisports et c’est toujours une fierté de les accueillir et de les intégrer dans le programme de nos meetings.

 

FR : C’est justement l’occasion de pointer du doigt la passivité des instances sportives et paralympiques. Au lieu d’aider et de chercher à intégrer le handisport dans le sport valide c’est tout le contraire qui se passe. Nous avons du mal à trouver du soutien lorsque nous mettons ces épreuves en place à Hérouville ou à Mondeville. 

 

Selon vous, qu’est-ce qui fait du Meeting d’Hérouville un rendez-vous incontournable ?

 

CL : Le fait que le meeting soit gratuit est quelque chose d’important. Bien souvent, la gratuité renvoie à un événement pauvre en qualité. Chez nous, c’est tout l’inverse. Nous sommes en capacité de proposer un spectacle de haut niveau entièrement gratuit. C’est un meeting bien organisé où nous arrivons à assez bien respecter le timing. Le Stade Prestavoine est un bel écrin avec une belle tribune et une terrasse pour les partenaires. Les gens sont également sensibles à l’aspect social du Meeting d’Hérouville. C’est important pour nous d’offrir la possibilité à des gamins des quartiers de pratiquer l’athlétisme en ouverture du meeting. 

 

FR : Nous avons un savoir-faire bien connu en termes d’organisation. Les athlètes sont toujours très bien accueillis. Nous faisons preuve de réactivité, d'ingéniosité et d’engagement des bénévoles pour résoudre les problèmes. Nous sommes attachés à l’aspect humain et nous trouvons toujours des solutions pour permettre aux athlètes de venir en toute sérénité et de se concentrer sur leur compétition. Certes nous offrons un spectacle gratuit et de qualité mais cela n’enlève rien à la convivialité et à cet état d’esprit presque familial. Les athlètes le ressentent et ils sont heureux de revenir à Hérouville chaque année. 



Pour l’AOMH, Malcolm Duquesney